Végétation, architecture et patrimoine : une combinaison pas si incongrue …

Nous vous proposons de commencer le conseil de ce mois-ci par un peu de philosophie les pieds dans l’herbe et de nous interroger sur les ruines …

Un mur écroulé, les restes d’un moulin, d’un lavoir, un puit qui s’étiole. Voici quelques exemple des petites ruines dont nos jardins se font l’écrin. La ruine fait-elle désordre ? Que faut-il en faire ?

Les jardins de Ninfa à proximité de Rome en Italie ont été aménagés dans les années 1920 sur les ruines d’une cité médiévale en tirant parti de nombreux édifices ruinés ou vieillissants.
© Photoshot / E.A MacAndrews / Biosphoto

Et si l’on laissait, au contraire, la ruine devenir l’âme de notre jardin ? Ces quelques pierres deviendront alors évocatrices d’un « moment d’égarement, une fantaisie de la nature qui, par le truchement de sa créature pensante, l’homme, s’était laissé aller à une étrange excroissance », selon les mots de Michel Makarius, historien de l’art et de l’esthétique.

Grâce à un détour par l’histoire de l’art et une rencontre imaginaire avec les peintres romantiques, il apparait évident que la végétation et la nature sont indissociables de la ruine. La première sert de fond de théâtre et d’élément identitaire à la seconde.

Voilà de quoi réjouir nos jardins !

Tout d’abord parce que la végétation, si elle est adaptée et contrôlée, aide les bâtiments fragilisés à rester debout. Un équilibre peut alors se trouver entre volonté de reconstruire ou restaurer à l’identique un vestige architectural et celle de garder un aspect romantique ou pittoresque qui enrichit l’esthétisme de nos jardins.

La végétation grimpante à crampons – qui s’accroche d’elle-même sur les parois – comme le lierre ou la vigne vierge, va former une armature qui prévient et entrave la chute de matériaux sur les surfaces verticales.

Attention cependant. L’idée n’est pas de conduire lentement à la disparition des éléments architecturés de votre jardin. Avant de vous lancer dans la végétalisation de ces vestiges – ou de constructions entières mais vieillissantes – veillez à la stabilité structurelle de l’édifice. Vous éviterez ainsi que l’action des grimpantes se fasse contre-productive et que leurs racines s’infiltrent dans des maçonneries abimées ou disjointes. N’oubliez pas non plus de considérer les servitudes des bâtiments protégés au titre des Monuments Historiques. Le cas échéant n’hésitez pas à vous rapprocher de la Direction Régionale des Affaires Culturelles – DRAC dont vous dépendez.

A l’horizontale, végétaliser toitures, faitages et couronnements présente aussi de nombreux avantages. Par exemple, de la terre végétale couplée à une végétation basse – chênes et pins nains – permet de créer une couche d’étanchéité et ainsi protéger les maçonneries des infiltrations d’eau. Par ailleurs un couronnement végétalisé permettra de fixer les semences véhiculées par le vent et deviendra ainsi complètement autonome !

Vigne vierge sur un mur dans un jardin écossais. ©Michel Gunther / Biosphoto

Ce qui nous amène à notre deuxième point. Votre ruine ainsi végétalisée va devenir un riche réservoir de biodiversité !

Le lierre et la vigne vierge sont effectivement très intéressants pour les polinisateurs. Avec leur floraison assez tardive à l’automne, ils constitueront une des dernières ressources de pollen et de nectar de la saison. Les oiseaux pourront aussi venir s’y abriter ou y nicher. Vous pourrez peut-être rencontrer merles, grives, roitelets, troglodytes mignons et chouettes hulottes ! Et à la fin de l’hiver, les moineaux, mésanges et geais viendront se nourrir des baies du lierre.

Les surfaces horizontales offriront elles-aussi la possibilité d’œuvrer pour la biodiversité. Vous pourrez en effet choisir de les planter de graminées. Ces derniers constituent des abris naturels pour la biodiversité et en particulier pour les insectes auxiliaires. Les graminées seront alors un complément parfait au lierre qui habillera le reste de l’édifice. Surveillez cependant le côté allergène des graminées qui peut être important et dangereux, notamment pour les enfants. Préférez alors les graminées d’ornement aux graminées fourragères et céréalières.

Vous pouvez aussi choisir de faire de cette nouvelle zone un espace naturel, une friche en réduction ! Sur les espaces les plus accessibles vous pourrez aussi créer de « mini » prairies fleuries et utiliser, par exemple, le mélange Noé Pollinisateur Sauvage. Votre ruine pittoresque accueillera alors de petits hôtes très utiles comme les chenilles de papillons ou des coccinelles grandes consommatrices de pucerons !

Ce jardin a été aménagé dans les ruines d’une église détruire par un tremblement de terre. © Claude Thouvenin / Biosphoto

Conseils de Noé liés :

http://www.jardinsdenoe.org/laissez-un-coin-au-naturel/

http://www.jardinsdenoe.org/semer-le-melange-noe-pollinisateurs-sauvages/

http://www.jardinsdenoe.org/mettre-en-place-une-prairie-fleurie/

http://www.jardinsdenoe.org/installer-des-graminees-au-jardin/

http://www.jardinsdenoe.org/vegetaliser-les-pieds-de-murs-de-son-logement/

 

Sources :

Claudine Donnay-Rocmans, “L’abbaye de Villiers-la-Ville : un exemple de restauration/conservation d’une ruine romantique”, Faut-il restaurer les ruines ?, Actes du Colloque, Mémorial de Caen, 1990. p.64.

 

Michel Makarius, “Les pierres du temps : archéologie de la nature, géologie de la ruine”, Protée, vol.35, num.2, 2007. pp. 75-80.

 

Benjamin Mouton, “L’aqueduc de Maintenon : comment conserver un ouvrage d’art colossal devenu fabrique de jardin », Faut-il restaurer les ruines ?, Actes du Colloque, Mémorial de Caen, 1990. pp. 46-49.

 

Georg Simmel, « Les ruines. Un essai d’esthétique », La Parure et autres essais, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1998.

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