L’allélopathie, où la compétition rime avec chimie

Il y a quelques mois, nous vous parlions des mycorhizes. Cette fois-ci, on s’intéresse à un phénomène un peu plus large mais tout aussi important bien que peu connu. Il est d’ailleurs probable que vous en connaissiez les effets sans pour autant les nommer.

Une méthode de défense efficace

L’allélopathie a été définie pour la première fois par un scientifique autrichien en 1937, bien que son phénomène soit connu depuis l’Antiquité. En 1975, c’est à Caussanel d’apporter sa pierre à l’édifice et de proposer une définition plus précise : « L’allélopathie correspond à l’ensemble des phénomènes qui sont dus à l’émission ou à la libération de substances organiques par divers organes végétaux, vivants ou morts et qui s’expriment par l’inhibition ou la stimulation de la croissance des plantes se développant à leur voisinage ou leur succédant sur le même terrain. »

(Source : Christophe Suarez / Biosphoto)

Concrètement, en libérant des composés chimiques de sa position, la plante inhibe partiellement ou totalement la croissance des autres espèces autour d’elle. Cela lui permet ainsi de favoriser ses propres graines pour l’accès aux ressources telles que la lumière ou les nutriments. D’une certaine manière, l’allélopathie est assimilable à une forme de compétition.

Quelles sont les plantes concernées ?

Il est important de noter que toutes les essences ne sont pas compétentes pour créer les molécules responsables de l’allélopathie, appelées composés allélochimiques. N’étant pas impliquées dans le fonctionnement de base et de survie des plantes, ces dernières sont largement capables de se passer de ces composés.

Parmi les plantes concernées, on peut citer la famille des Brassicacées  auxquels appartiennent le colza, le radis, les choux, la roquette… : beaucoup d’entre elles sont capables d’influencer négativement la germination des adventices (« mauvaises herbes ») ou au contraire d’augmenter le potentiel de résistance des cultures (comme les mycorhizes). On peut aussi citer le tournesol, très phytotoxique pour les graines d’adventices, le riz, l’avoine, le sorgho et le sarrasin. Bien entendu, les capacités de ces plantes à produire ces composés sont dépendantes de nombreux facteurs environnementaux et de leur stade de développement.

(Source : Alain Kubacsi / Biosphoto)

Comment ça fonctionne ?

Les plantes ont la capacité d’inoculer ces substances de 4 manières différentes dans la rhizosphère (zone la plus riche en bactéries et micro-organismes du sol) : par volatilisation, par lessivage des parties aériennes (comme le noyer), par décomposition de la litière ou par exsudat racinaire.

Mais ce n’est pas tout. Quand il s’agit de rivaliser d’ingéniosité pour défendre son lopin de terre, les plantes savent y faire… Il existe une véritable diversité de composés largués par les plantes dans le sol et destinés à inhiber ou stimuler son entourage ! Ainsi, on retrouve les flavonoïdes, responsables de la couleur des plantes ; les glucosinolates, très présents dans la moutarde et le radis, qui donne ce goût piquant et agit comme un répulsif pour les ravageurs ; les alcaloïdes, que l’on trouve dans le pavot synthétisant la morphine et enfin les terpénoïdes très communs chez l’eucalyptus, la menthe et le camphre.

Fleurs de Pavot – Papaver somniferum (Source : Alain Kubacsi / Biosphoto)

Dans l’agriculture biologique, les plantes allélopathiques sont utilisées afin de pallier à l’interdiction des pesticides, fongicides et herbicides, en couvre-sol ou en rotation. Néanmoins, plusieurs précautions doivent être prises sur le potentiel allélopathique de la plante et les conditions de culture, notamment en diversifiant les plantes choisies en fonction des années, ces dernières modifiant les propriétés biologiques et physico-chimiques du sol.

Pour votre jardin, n’hésitez pas à vous intéresser aux potentiels de vos plantes à sécréter ces composés allélochimiques et cela pourra vous permettre d’éviter les mauvaises surprises !

Partagez sur les réseaux sociaux :

Donnez votre avis