La résistance aux pesticides

L’utilisation de pesticides a des impacts néfastes sur l’environnement pour une multitude de raisons : espèces non ciblés affectées, pollution des sols et de l’eau, risques sanitaires … Elle est ainsi fortement déconseillée voire interdite selon les cas, aussi bien dans le jardin que dans de grandes parcelles agricoles. Une des conséquences de leur utilisation qui les rend particulièrement dangereux et non durable est l’augmentation de la résistance aux pesticides chez les organismes ciblés. Ce phénomène est particulièrement intéressant à étudier et pas toujours bien compris, nous allons le détailler dans cet article.

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Pesticides appliqués dans un champ / @Pixabay/Wuzefe

 

Définition de la résistance aux pesticides

On dit d’un organisme qu’il est résistant à un pesticide lorsqu’il a la capacité de survivre à une application de pesticide à des doses létales pour les autres individus de la même espèce. La résistance peut être naturelle, dans le cas où la population de l’organisme est résistante dès le premier contact avec le pesticide, ou « acquise » si elle apparaît après plusieurs applications du pesticide et sur plusieurs générations. Cette résistance acquise a pu être observée dans de nombreux cas d’applications de pesticides qui perdent en efficacité sur la durée. Par exemple, certains insectes peuvent développer des enzymes qui dégradent les pesticides avant qu’ils ne puissent les tuer, tandis que certaines mauvaises herbes peuvent développer des mécanismes de transport qui évacuent les pesticides de leurs cellules. On pourrait ainsi croire en premier lieu que l’application du pesticide provoque une réponse chez des organismes qui leur permettent d’acquérir des caractéristiques de résistance aux pesticides. Bien que ces cas de figures puissent exister, cela est plus rare et ne concerne qu’une partie d’organismes tolérants aux pesticides. On parle dans ces cas-là d’adaptation, et non pas d’acquisition de la résistance. La majorité des cas d’apparition de populations résistantes s’explique par un phénomène naturel qui a été énoncé par Charles Darwin au 19eme siècle : la sélection naturelle.

 

La sélection naturelle késako ?

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Charles Darwin, premier théoricien de la théorie de la sélection naturelle / @Pixabay

La sélection naturelle est un mécanisme écologique très riche qui joue un rôle majeur dans l’évolution des espèces. Le but de cet article n’est pas d’expliquer en détail ce phénomène mais il est important d’en connaître les bases pour comprendre comment se met en place la résistance aux pesticides :

Ce mécanisme est central pour la théorie moderne de l’évolution. Il permet en effet d’expliquer, conjointement avec l’apparition de mutations, l’existence de la diversité des espèces avec des caractères adaptés à leur milieu. Dans une population, lorsque des mutations apparaissent au hasard lors des naissances d’individu, elles vont pouvoir donner soit des avantages soit des désavantages pour la survie des individus. Les individus les plus aptes à survivre se reproduisent alors en priorité, et les mutations ayant permis de favoriser l’individu sont transmises à la descendance, ce qui leur donnent les caractères permettant d’avoir un avantage évolutif dans l’environnement. Ce qui est important à comprendre c’est que les mutations ne sont pas un mécanisme orienté, elles apparaissent au hasard en donnant des caractères qui parfois favorisent la survie dans le milieu, parfois n’apportent rien de particulier, ou parfois défavorise l’individu : c’est la sélection naturelle qui va permettre de ne conserver que les individus les plus adaptés à leur milieu, qui pourront alors transmettre leur caractère avantageux à leur descendance.

Les mécanismes de sélection naturelle permettent ainsi d’expliquer l’évolution des espèces sur des grandes échelles de temps habituellement : pour des espèces comme les humains par exemple, le temps que des mutations apparaissent, que les individus grandissent avec, qu’ils se reproduisent, et que cela arrive assez souvent pour avoir des effets visibles, ça peut être très long. Cependant, ce phénomène peut aussi être observé à courtes échelles de temps, et c’est notamment le cas pour la résistance aux pesticides !

Comment apparaît la résistance aux pesticides ?

Sous l’effet de mutations naturelles aléatoires, une faible proportion d’une population de ravageurs peut devenir naturellement résistante à un produit chimique ou à un groupe de produits chimiques partageant les mêmes modes d’action (même processus biochimique pour tuer, inhiber la croissance, etc…). Le développement de la résistance est alors le suivant :

  • La population de ravageurs compte un petit nombre de sujets devenus résistants par mutation naturelle aléatoire. La constitution génétique de ces sujets leur permet de survivre s’ils sont exposés à un pesticide particulier ou à des pesticides ayant des modes d’action similaires.
  • Lors de l’application du pesticide, les sujets résistants survivent tandis que les sujets sensibles meurent.
  • Les survivants résistants se multiplient et transmettent leurs caractères de résistance à la génération suivante.
  • Lorsque le même pesticide est appliqué de nouveau ou qu’on en applique un autre ayant un mode d’action similaire, la proportion des individus résistants augmente et la boucle se répète.
  • Une population de ravageurs est considérée comme résistante lorsqu’elle survit à des doses de pesticide qui suffisaient auparavant à la maîtriser.

    Schéma de la mise en place de la résistance aux pesticides @Delldot

Vous voyez le lien avec la sélection naturelle ? La sélection naturelle est dans ce cas guidée, « forcée », en appliquant des pesticides on met en place une pression de sélection très forte (soit on résiste, soit on meurt), ce qui produit un environnement favorisant énormément les individus résistants qui pourront alors se reproduire et donner une descendance bien plus résistante. L’apparition de populations résistantes sur des temps assez rapides s’explique par la descendance nombreuse (ou la multiplication rapide pour bactéries et virus) de nombreuses espèces de ravageurs ainsi que leur temps de génération (durée de vie pour produire une descendance) souvent très court, ce qui va favoriser l’apparition de mutations conférant possiblement une résistance.

Le danger de la résistance aux pesticides

Pour lutter contre les parasites et ravageurs, les pesticides sont une solution simple et efficace beaucoup utilisés de façon générale malgré leur nombreux effets néfastes sur l’environnement. Cette utilisation en masse rend le développement de la résistance particulièrement rapide. En réponse à la résistance, les agriculteurs peuvent avoir tendance à augmenter les doses de pesticides appliqués ou la fréquence des applications, ce qui va aggraver le problème. De plus, certains pesticides sont aussi toxiques envers des espèces qui sont des prédateurs ou des compétiteurs des organismes nuisibles : cela peut ainsi favoriser le développement des populations de ravageurs, conduisant encore à une grande utilisation des pesticides. Ce cercle vicieux parfois appelé « piège des pesticides » pose un réel danger et est en grande partie dû à la résistance aux pesticides.

Panneau d’informations sur des espaces entretenus sans pesticide en Bretagne @Biosphoto

Réduire la résistance = réduire les pesticides !

Il existe des stratégies pour diminuer l’apparition de résistances, comme réduire l’utilisation du pesticide, changer de pesticides régulièrement (avec différents modes d’action), ou laisser des zones non traitées pour que les ravageurs sensibles aux pesticides survivent. Mais l’apparition de résistance aux pesticides est un risque intégré à l’utilisation de ces derniers qui pousse à en utiliser davantage et génère un cercle vicieux, la meilleure méthode de l’éviter, c’est de ne pas en utiliser ! Il existe plusieurs solutions de lutte alternatives basées sur des techniques moins néfastes pour l’environnement qui sont beaucoup moins soumises à l’apparition de résistance : utilisation de variétés résistantes aux ravageurs, surveillance des ravageurs, mesures phytosanitaires naturelles, rotation de cultures, installation d’habitat de prédateurs de ravageurs et moyens de lutte biologique. Pour en savoir plus sur les méthodes naturelles de lutte contre les ravageurs, avons quelques articles pour vous présenter comment lutter contre certaines maladies (maladies bactériennes et cryptogamiques) sans avoir recours aux pesticides, ainsi que plusieurs articles sur différents ravageurs et aménagements du jardin pour limiter leur danger.

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