Nouveau rebondissement à Gonesse

Rappel : dans les épisodes précédents

Le projet « Europacity » a été lancé en 2010. La phase de construction du projet devait démarrer en 2019, l’ouverture au public étant prévue en 2024.

Il est porté par Alliages & Territoires (filiale d’Immochan, branche immobilière du Groupe Auchan), et le groupe chinois Wanda Dalian spécialisé dans l’immobilier commercial et de divertissement. Ce parc de loisirs ayant vocation à concurrencer Disneyland, associe des fonctions commerciales, culturelles, hôtelières et ludiques pour un coût estimé à 3,1 milliards d’euros financés sur fonds privés, dont 2,6 milliards à la charge du maître d’ouvrage.

Il s’intègre à l’opération publique d’aménagement du Triangle de Gonesse, portée par l’Établissement public d’aménagement (EPA) Plaine de France jusqu’au 1er janvier 2017 où l’EPA est dissout et les droits sont transférés à Grand Paris Aménagement.

 

Dès le premier débat public (15 mars au 13 juillet 2016), il a été clair pour les décideurs que la portée de la décision ne se limitait plus à la simple validation de la construction d’un super-complexe commercial mais qu’ils faisaient face à un vrai choix de société : d’un côté, les porteurs du projet vantent le rayonnement international du projet, la création de 10.000 emplois et l’attrait d’une clientèle étrangère, notamment chinoise, à forte capacité d’achat. De l’autre, les opposants relève un mode de développement obsolète et inconscient au regard des générations futures, ainsi que le fait que ce projet a déjà essuyé le refus de plusieurs grandes villes européennes telles que Madrid, Barcelone, Milan, Berlin ou Amsterdam qui ont choisi de donner la priorité à l’agriculture périurbaine plutôt qu’aux centres commerciaux.

Un projet déclaré incompatible avec le développement durable

Ce projet largement controversé avait fait l’objet d’un avis défavorable dans le cadre de l’enquête publique relative à la révision du Plan local d’urbanisme de la commune de Gonesse (Val-d’Oise) ouverte du 15 mars au 30 juin 2017.

Le rapport du commissaire enquêteur rendu public le 23 août 2017 (https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-29539-enquete-publique-plu-europacity.pdf) faisait état de 4 points d’impact très négatifs sur la biodiversité :

  • Une perte de 3,5 hectares de zones humides ;
  • Une hausse des gaz à effet de serre et polluants atmosphériques liée aux déplacements vers le Triangle de Gonesse ;
  • La consommation de 260 hectares cultivables par la zone d’aménagement concerté (ZAC) ;
  • Une augmentation de la production de déchets liée aux activités sur le futur Triangle.

Il estime également que « le projet prend en compte l’évolution du contexte démographique, économique, environnemental et social dans une démarche de développement durable peu convaincante quel que soit le pilier considéré », considérant que même les objectifs en matière d’emploi sont peu compatibles avec le niveau de formation local. Le projet du Triangle de Gonesse « présente des impacts environnementaux négatifs à très négatifs qui vont à l’inverse des grandes orientations de politiques nationales et internationales en matière de lutte contre la disparition des terres agricoles, de lutte contre le réchauffement climatique ».

Nicolas Hulot reconnaissait lui même en juillet 2017 que le projet d’Europacity contrevient au Plan Climat du gouvernement et rappelait que « cette gourmandise que nous avons à consommer des terres agricoles est incompatible avec nos objectifs ».

En septembre 2017, le maire de Gonesse Jean-Pierre Blazy et les élus municipaux décident de passer outre l’avis du commissaire enquêteur (et du Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire) et font passer en force la modification du PLU dans un simulacre de démocratie : malgré une salle comble, la parole n’est jamais donnée aux opposants du projet. C’est ainsi qu’à minuit passée et en l’absence de l’opposition, la révision du PLU en faveur du projet est adoptée à la quasi unanimité.

Les opposants au projet saisissent alors le tribunal administratif de Cergy-Pontoise afin d’obtenir l’annulation de cette modification du PLU. Il faudra alors attendre 6 mois, en mars 2018.

Premier rebondissement

La décision du tribunal administratif abonde dans le sens de l’avis de l’autorité environnementale : elle considère l’enquête publique menée en 2016 insuffisante s’agissant de la couverture des besoins énergétiques du projet et de son incidence sur la qualité de l’air, compte tenu notamment des émissions de gaz à effet de serre induites par les déplacements des futurs touristes. L’étude d’impact est également pointée du doigt pour ses lacunes, notamment la non-évaluation des incidences environnementales de ce projet cumulées avec celles des travaux du Grand Paris Express.

C’est donc le 6 mars 2018 que l’arrêté autorisant la création de la ZAC dite « du Triangle de Gonesse » est annulée. Une décision qui fera sans nul doute date dans l’histoire du droit de l’Environnement.

Mais il en faut plus que cela pour déstabiliser des investisseurs qui ne cessent de vanter la création de 10.000 emplois potentiels (auxquels les opposants du projet rappellent qu’il faut soustraire les 8.000 emplois supprimés du fait de la disparition des commerces balayés par la création de 230.000 m2 de cellules commerciales à Europacity).

Nouveau rebondissement

Dès le 4 mai 2018, c’est l’Etat, l’agence Grand Paris Aménagement et la société Europacity qui font appel de la décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Paradoxalement, c’est à ce moment que Jacques Mézard (Ministre de la Cohésion des Territoires) présente les objectifs de son projet de loi visant notamment à redynamiser les centres-villes et leurs commerces.

Parallèlement, le commissaire enquêteur a rendu son avis sur l’utilité publique de l’aménagement du Triangle de Gonesse (et non pas sur le projet Europacity en lui-même) le 19 juillet 2018 : l’avis est favorable.

Il émet cependant plusieurs réserves, notamment sur l’impact du projet Europacity sur le commerce local. Grand Paris Aménagement devra lever l’ensemble de ces réserves avant toute déclaration d’utilité publique.

Après ce second rebondissement, le contexte se crispe un peu plus en attendant le résultat de l’appel interjeté contre la décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Jamais deux sans trois ?

 

 

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