La grenouille rieuse

Elle nous fait rire jaune !

Espèce importée de Russie, Slovaquie ou encore de Roumanie pour ces qualités gustatives, elle est aujourd’hui omniprésente en France et est considérée comme une espèce invasive, responsable de la disparition de nos grenouilles vertes indigènes.

(Source : Quentin Martinez / Biosphoto)

Ne vous fiez pas à la consonance de son nom, elle le doit au bruit que font les mâles en période de reproduction car leur chant ressemble à un rire aiguë et saccadé. Pelophylax ridibundus est le nom scientifique de cette grenouille verte qui vient de la famille des Ranidés. Venant de l’Europe de l’Est, elle menace les populations de grenouilles indigènes et déstabilise les écosystèmes. Il est primordial d’alerter sur le fait que l’introduction d’espèces invasives par l’Homme constitue une menace préoccupante et une cause de l’érosion de la Biodiversité.

Une étude menée par des scientifiques franco-allemands (du Centre Helmholtz de recherche environnementale – UFZ) sur les populations de grenouilles vertes en France a confirmé que la grenouille rieuse est en train d’évincer nos espèces de grenouilles communes comme la grenouille Graf (Pelophylax kl. grafi) ou la grenouille de Perez (Pelophylax perezi).

Grenouille de Pérez (Source : Jorge Sierra / Biosphoto)

La concurrence entre espèces et leur croisement engendre le déclin de nos grenouilles indigènes qui tendent à disparaitre.

Qui est-elle ?

La grenouille rieuse a été introduite par l’Homme dans les années 70 pour sa consommation. En effet les grenouilles rieuses sont plus imposantes que nos grenouilles et possèdent de longues pattes arrière bien charnues et musclées, appréciées des amateurs de batraciens. Cette importation a conduit à la propagation non contrôlée de cette espèce fugitive.

La grenouille rieuse n’est pas très exigeante et son habitat est varié. Nous pouvons la retrouver au bord des rivières, dans des mares bocagères, des zones marécageuses mais également plus problématiquement dans des milieux pollués, tels que les déversoirs d’orages ou les égouts. Mais elles colonisent aussi peu à peu nos jardins ! Elles se montrent de mars à fin octobre dans les zones ensoleillés. Elle hiberne dans l’eau le reste du temps, dans leur substrat ainsi que dans les anfractuosités des berges.

L’étude du docteur Dirk Schmeller a mené à la conclusion que les grenouille rieuse immigrée présente un potentiel de concurrence particulièrement élevé dans des eaux douces riches en oxygène et pauvres en sel. Dans ces conditions, les grenouilles indigènes n’ont pratiquement aucune chance », explique Dr. Dirk Schmeller du Centre Helmholtz de recherche environnementale.

La grenouille rieuse est difficile à identifier jeune car elle ressemble beaucoup à nos grenouilles vertes indigène. Adulte, elle a un museau pointu et ses yeux sont rapprochés. Elle a des sacs vocaux gris. La couleur de son ventre et de son dos est vert-gris, moucheté de tâches grises. Ce qui la différencie bien souvent de nos grenouilles indigènes est son chant et ses pattes : ses pattes avant sont très courtes alors que ses pattes arrières sont au contraire très longues et très musclées, elles sont aussi entièrement palmées.

Pourquoi constitue-t-elle un danger pour nos grenouilles indigènes ?

La grenouille rieuse a une durée de vie de près de 8 ans contre 5 ans en moyenne pour nos grenouilles indigènes.

Lors de la saison de reproduction (mi-mai à mi-juin), les femelles pondent 5 000 à 10 000 œufs qui éclosent une semaine plus tard. Et lorsque les autres grenouilles vertes se reproduisent avec les grenouilles rieuses, la prédominance génétique de ces dernières écrasent l’autre espèce. Cette reproduction qui existe chez les grenouilles vertes s’appelle l’hybridogenèse*. Cette reproduction si elle n’est pas contrôlée peut avoir des effets dévastateurs sur une espèce. « La colonisation est très rapide. En Camargue, en quatre ans l’équipe du docteur Schmeller a observé la colonisation de grenouilles rieuses de tout un fleuve ». La petite taille des grenouilles vertes indigènes les rend plus vulnérables aux prédateurs (héron, couleuvre aquatique, loutre, belette, brochet) c’est pourquoi l’accroissement de la population de la grenouille rieuse est problématique.

(Source : Benoît Personnaz / Biosphoto)

A cause des espèces invasives, introduites involontairement ou volontairement au sein d’un milieu, les espèces indigènes sont en danger d’extinction. Aujourd’hui, leur population à cause de leur reproduction est à contrôler mais leur importation se fait de moins en moins car les restaurateurs ont découvert deux autres espèces indonésiennes – la Rana macrodon et la Fejervarya cancrivora – plus intéressantes à consommer et moins chères Les scientifiques n’ont pas encore mesuré l’impact sur la biodiversité et les populations locales indonésiennes mais on peut en imaginer les conséquences à long terme si cette importation n’est pas contrôlée.

Que faire si elle est présente dans mon jardin ?

La loi interdisant de déplacer les populations de grenouilles, pour prévenir la venue de ces populations au croassement intempestif dans votre jardin, vous pouvez placer une pompe dans votre point d’eau afin de limiter les reproductions.

Vous pouvez également informer les observatoires de la biodiversité de leur présence lorsque vous les croisez. Vos observations sont à transmettre sur l’application de l’INPN : INPN espèces.

Definition d’hybridogenèse* : C’est un mode de reproduction alternatif à la reproduction sexuée observé chez quelques poissons, phasmes et grenouilles. Chez ces espèces l’accouplement se fait entre mâles et femelles appartenant à des espèces ou lignées génétiques différentes. Tous les descendants sont donc des hybrides. Les jeunes femelles expriment les gènes maternel et paternel dans les cellules somatiques. Par contre, elles éliminent les gènes paternels lors de la formation de leurs ovules de sorte que ces dernières ne portent que les gènes de la mère. Les femelles fécondées ne transmettent donc que le génome des femelles pour les générations futures.

Source : Biologie Evolutive & Ecologie de l’Université libre de Bruxelles

 

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