Réhabiliter un jardin historique en prenant en compte la biodiversité

Au cœur de la Corrèze toute proche de l’Auvergne, se trouve l’arboretum du château de Neuvic d’Ussel, membre des Jardins de Noé depuis 2017. Conçu et réalisé par Jean-Hyacinthe d’Ussel vers 1830, le parc développe ses allées courbes caractéristiques du XIXe siècle sur six hectares. Ces trois kilomètres d’allées s’articulent autour de la pièce d’eau. Ce parc agricole et paysager s’est sans cesse enrichi de nouvelles essences jusqu’à aujourd’hui malgré les pertes subies lors des deux tempêtes de 1982 et 1999. Le parc est entièrement réhabilité entre 2007 et 2018 avec la conduite de deux plans de gestion quinquennaux sous l’égide du paysagiste Laurent Berthelier puis de Béatrix d’Ussel, propriétaire et gestionnaire du parc.

Le château de Neuvic d’Ussel, façade sur le jardin. © arboretumneuvicd’ussel

 

Pour la gestion de son parc, Mme d’Ussel s’appuie sur deux jardiniers à temps partiel et des entreprises extérieures pour les travaux plus lourds comme l’élagage. La gestion écologique et respectueuse de la biodiversité a toujours été mise en œuvre dans le jardin. Comme le précise Mme d’Ussel, « les équipes étaient très motivées pour cela étant depuis le début très concernées par la question écologique. Les jardiniers sont des locaux qui connaissent bien le pays, son climat, ses particularités. Ils avaient envie de respecter le lieux.»

 

Cette réflexion avait été menée dès les premiers travaux de réhabilitation du domaine. Cette première étape est fondamentale pour planifier la gestion d’un jardin historique. Elle met en effet en place les structure qu’il va falloir gérer et entretenir. Parfois la question économique vient seconder les préoccupations écologiques. Ainsi comme le dit Mme d’Ussel : « Dès le début, nous avons eu dans la réflexion sur la réhabilitation, l’idée de prendre des options qui ne nécessiteraient pas de mode d’action et de suivi compliqués et coûteux : pas trop de topiaires, pas trop de tailles, des allées engazonnées ou en terre sous les arbres. Au fond nous nous sommes appuyé sur l’état du jardin ! Par exemple, les allées n’étaient plus tout ensablées par manque d’entretien, nous les gardons donc engazonnées et ne les tondons qu’au début de l’été pour l’ouverture aux visites ». Ce fonctionnement permet d’accueillir la biodiversité dans les herbes hautes et de protéger naturellement le sol. Et ainsi, plus besoin de se battre contre les adventices qui poussent sur les allées ensablées. Il suit aussi une certaine logique de conservation du patrimoine paysager, un patrimoine vivant. Si les allées sablées ont disparu, il n’est peut-être pas pertinent de vouloir les rouvrir à tout prix … Mais leur tracé ancien étant connu, les récréer grâce à la tonte différenciée est un parti pris très intéressant.

Vue d’une allée du fond du parc avec d’anciens sujets remarquables. © arboretumneuvicd’ussel

Les gestes et bonnes pratiques peuvent ainsi s’appuyer sur l’histoire d’un parc ou jardin ! Ici, Mme d’Ussel a convoqué les souvenirs d’un viel oncle qui avait bien suivi l’évolution du jardin. Elle nous raconte aussi : « Nous n’avons trouvé aucun plan ou contrat sur la création du jardin. Jean-Hyacinthe d’Ussel avait beaucoup voyagé avant de reconstruire le domaine, notamment en Grande-Bretagne dont il a sûrement rapporté des idées. Peut-être a-t-il conçu ce parc paysager mais aussi agricole seul ! ». Certaines caractéristiques du jardins appuient une proximité avec les jardins du Second Empire et en particulier l’œuvre d’Adolphe Alphand à Paris ou du comte de Choulot qui avait dessiné de nombreux parcs agricoles et paysagers. Voilà la définition qu’il en donne en 1846 : « [le parc paysager et agricole] comporte le pittoresque et le grandiose du précédent [le parc paysager], mais il n’ôte rien à l’agriculture, restreint le nombre des routes à celles qui sont indispensables, et limite l’ornementation de fleurs et d’arbustes au pourtour de l’habitation, le pleasure ground des Anglais. Ce genre de parc résume les besoins de notre époque ; il répondra, nous l’espérons, aux exigences du père de famille, du propriétaire éclairé qui veut que l’art des jardins, uni à l’agriculture, soit l’expression visible de son goût et de son intelligence ». Il ajoute que la construction de ces parcs « exige de la part de l’artiste des connaissances en agriculture, qui lui permettent de combiner son plan avec les travaux des champs et leur production». Vaches, veaux, chevaux et ânes se partageaient ainsi les pâtures.

Quel meilleur terreau pour faire d’un parc historique un modèle de gestion écologique ?

La pièce d’eau du parc. © arboretumneuvicd’ussel

Les actions de réhabilitation concernent aussi le patrimoine architectural du jardin. L’ancien kiosque de rotin qui dominait le parc depuis son point culminant et jalonnait la composition originelle est maintenant reconstruit.

 

Le kiosque en rondin restauré. © arboretumneuvicd’ussel

Mme d’Ussel souligne aussi les aspects plus matériels de ce type de gestion : « au final, cette gestion est une gestion de bon sens ! On s’aperçoit vite qu’elle fait gagner du temps, de la main d’œuvre mais aussi de l’argent. » Il faut aussi réfléchir sur le long terme. Dans l’idée que la propriété continuera à être transmise de générations en générations, il est important de voir vers le futur, de proposer des solutions simples, qui respectent le site et le matériau vivant qui le compose. Les solutions mises en place permettront aux futurs propriétaire de facilement conserver le parc dans son état témoignant encore d’une période de l’histoire des jardins et de l’originalité de la figure de Jean-Hyacinthe d’Ussel.

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