Les corridors écologiques : là où se rejoignent nature et culture

On en voit de plus en plus sur les bords des routes ou en villes mais qu’appelle-t-on vraiment « corridor écologique » ? A quoi servent-ils et comment peut-on les intégrer au jardin ? Vous aurez toutes les réponses dans cet article qui vous donnera des précisions sur ce que sont ces fameux « couloirs à biodiversité » et pourquoi il est de plus en plus urgent d’en aménager chez soi.

© Frédéric Desmette / Biosphoto

Les corridors écologiques : kézako ?

Chaque être vivant a besoin d’un espace pour se nourrir, se reposer, se reproduire. Selon les espèces, le territoire doit être plus ou moins grand mais il est essentiel que celles-ci puissent s’y déplacer.

Pour la faune, la clé est en effet de pouvoir se déplacer entre les vastes milieux naturels comme les forêts ou les prairies et rejoindre de plus petits espaces comme des bois, des haies ou des mares. Malheureusement, l’urbanisation et l’aménagement d’infrastructures rendent ces déplacements compliqués parfois même impossible : c’est ce qu’on appelle la fragmentation des habitats.

Ce sont les activités humaines qui conduisent à la fragmentation des paysages et des écosystèmes. En coupant les espaces reliant des espaces naturels, l’Homme coupe aussi les déplacements des espèces animales et la dissémination des espèces végétales avec pour résultat l’effondrement de la biodiversité qui y résidait. Des espèces isolées voient leurs chances de survie diminuer.

Le rôle des corridors écologiques

C’est là qu’interviennent les corridors écologiques qui, en reconnectant les milieux naturels, limitent les effets négatifs de la fragmentation des habitats.

En effet, ils assurent les connexions entre des réservoirs de biodiversité et permettent aux espèces d’avoir accès à des conditions favorables dans leurs déplacements et, ainsi accomplir leur cycle de vie. Ils doivent permettre aux espèces de se disperser sans contrainte, quotidiennement ou lors de migrations, et constituent eux-mêmes des lieux de vie. Ils favorisent également la recolonisation des milieux perturbés par les aménagements.

On distingue les corridors écologiques des corridors biologiques, qui sont un ensemble d’habitats nécessaires à la réalisation du cycle de vie, et du continuum écologique qui est un ensemble de milieux favorables à une espèce ou un groupe d’espèce. En résumé, le continuum écologique regroupe les corridors biologiques et écologiques.

Ce sont donc des éléments essentiels pour la conservation de la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes !

Sans eux, un grand nombre d’espèces ne disposerait pas d’un ensemble convenable d’habitats, pourtant nécessaires à leurs cycles de vie, et serait condamné à disparaître à plus ou moins long terme. Ils possèdent de multiples qualités pour la biodiversité en facilitant la dispersion des espèces et les échanges génétiques, mais aussi pour l’aménagement durable des territoires :

  • Diminuant la fragmentation et la vulnérabilité des habitats naturels
  • Réintroduisant la nature au cœur de l’espace urbain et agissent en « poumon vert »
  • Devenant des espaces de tranquillité ou d’activités économiques compatibles avec la préservation de la nature
  • Améliorant la qualité et la diversité des paysages.

Les stratégies actuelles de conservation de la biodiversité mettent l’accent sur les échanges entre milieux et plus uniquement sur la création de sanctuaires clos et isolés. Car en s’occupant uniquement de préserver un espace naturel seul, même riche, on risque de l’exclure des autres milieux naturels.

L’intérêt du corridor écologique est donc de préserver non seulement ces puits de biodiversité mais également d’assurer une bonne communication entre eux. Ainsi, les espèces peuvent circuler et poursuivre leur cycle de vie en profitant de toute la surface protégée.

Les corridors écologiques peuvent revêtir plusieurs formes et n’impliquent pas nécessairement une continuité physique ou des espaces mitoyens. Ainsi, il est possible de créer des corridors à notre échelle.
Un jardin tondu à ras et entouré de haies de thuyas n’est souvent pas très accueillant pour la faune et la flore. À l’inverse, les jardins naturels et sauvages portent certains intérêts : ils sont esthétiques, pratiques mais surtout ils fournissent un refuge pour la faune sauvage comme les oiseaux ou les petits mammifères et sont d’excellents corridors écologiques.

Alors pour aider la biodiversité, transformez votre jardin en un sanctuaire, une sorte d’oasis de biodiversité permettant par exemple aux pollinisateurs d’avoir accès à une plus grande diversité végétale, aux animaux une zone de passage et aux végétaux un moyen de se disperser !

Les corridors écologiques au service de la biodiversité

© Claudius Thiriet / Biosphoto

Il existe 3 catégories de corridors écologiques :

  • Les corridors linéaires comme les bordures de champs, les chemins ruraux ou les cours d’eau
  • Les corridors en îlot comme les petites îles de mares, des clairières et jardins
  • Les corridors en zone comme les forêts, champs, les bocages ou les zones humides

Selon la situation, (en bordure de zones agricoles, de villes ou des vastes plaines), plusieurs corridors écologiques sont associés.

Le moyen le plus simple pour créer des corridors écologiques, ce sont les végétaux. Les plantes sont en effet un lien entre tous les espaces et permettent ainsi à la faune de circuler entre les différents lieux. L’exemple le plus représentatif est la plantation de haies, la végétation de bords de rue, de routes ou de voies ferrées pour assurer la pérennité des milieux naturels et renforcer la biodiversité.

Sans les corridors écologiques, les hérissons se font souvent écraser car ils n’ont pas d’autres choix que de traverser la route. Les arbres et arbustes sont également de parfaits corridors car ils apportent de nombreux bienfaits pour la nature en fournissant abri et nourriture aux oiseaux ou aux insectes.

En ville, les alignements d’arbres sont parfois mono-spécifiques, composés d’une seule espèce souvent exotique. Le mieux serait une haie mixte, composée de plusieurs essences et de plusieurs strates. De plus, les racines participent à la désimperméabilisation du sol, elle filtre la pollution en captant le CO² et diminue l’effet des îlots de chaleur.

La création de corridors écologiques en ville est d’autant plus nécessaire qu’elle marque une rupture nette dans l’expansion des espèces animales et végétales. Les espaces verts présents sont souvent menacés par l’expansion urbaine qui crée de petites parcelles entre des bâtiments, des routes, fragmentant davantage les habitants et ayant pour conséquence, d’affecter la capacité de nombreuses espèces à se déplacer.

Il est donc important de reconnecter les fragments d’espaces verts avec des corridors écologiques pour améliorer la biodiversité et sa dispersion dans le paysage urbain.

Une étude menée sur des musaraignes en ville au milieu de jardins domestiques a pu mettre en évidence l’importance des corridors écologiques sur ces animaux très sensibles à la fragmentation. Les résultats ont démontré une très faible distribution de trois espèces de musaraignes dans des jardins ou des espaces boisés isolés. Ainsi, plus les îlots verts étaient interconnectés entre eux via des espaces verts, des plantations d’arbres ou de haies, plus les populations de musaraignes étaient conséquentes. Une gestion moindre du jardin permettait à ces petits animaux de se déplacer plus facilement. En d’autres termes, les corridors écologiques en contexte urbain jouent un rôle majeur et efficace dans la dispersion des espèces animales et végétales.

Des petits gestes simples pour la biodiversité

Passage à gibier sur l’A39 à côté de Doles France
© Dominique Delfino / Biosphoto

Les actions globales en lien avec les corridors écologiques sont intégrées dans le réseau de Trames Vertes et Bleues (TVB).

Les TVB servent à protéger ces continuités écologiques entre les milieux terrestres et aquatiques avec une Trame Verte pour les chemins, les haies, les forêts et les prairies et une Trame Bleue pour les cours d’eau, les zones humides et les mares. 

Mais nous pouvons également poursuivre cette continuité écologique à notre niveau en évitant par exemple d’installer des barrières ou des grillages, infranchissables pour les petits animaux et en privilégiant les haies. Constituées d’arbustes florifères et fructifères, elles constituent un relai pour les insectes, les oiseaux et les chauves-souris.

Finis les passages de tondeuse : laissez pousser l’herbe ! Les bandes enherbées sont de parfaits corridors écologiques. Selon leur composition et emplacement, elles participent à différentes fonctions comme limiter l’érosion par le freinage de l’eau ou faciliter la filtration de l’eau mais également préserver la biodiversité spontanée. Placées en bordure de jardin ou de champs, elles contribuent à relier les parcelles agricoles entre elles avec les milieux naturels. Elles permettent de maintenir l’offre d’habitat et donc de la biodiversité animale et végétale qui y est associée. Enfin, elles offrent une zone de refuge pour les auxiliaires de culture qui participent à réduire les parasites sur les surfaces agricoles.

Ainsi, en plus de créer des corridors biologiques, vous participez également à la lutte biologique ! Grâce à ces multiples rôles, les bandes enherbées constituent un outil de transition agroécologique et participent à la protection des écosystèmes en construisant un lien entre les habitats naturels. Dans votre jardin, n’hésitez plus à laisser une bande enherbée autour de votre potager.

Et encore mieux, si vous avez de la place, laissez une partie en jachère. Cet espace sauvage attirera une multitude d’espèces de petits mammifères comme le hérisson en quête de nourriture et facilitera le déplacement avec les autres milieux. En plus d’avoir un certain effet esthétique, vous garantissez une belle surface pour la biodiversité !

Vous pouvez également vous engager en défendant des projets de nature en ville dans votre commune : l’aménagement d’espaces verts, la renaturation des berges de cours d’eau ou l’installation de mares sont autant de corridors écologiques nécessaires à la biodiversité. Plus étonnant, vous pouvez participer à des actions locales via des associations qui contribuent par exemple, à la traversée des amphibiens sur les routes lors de la saison de reproduction. Grâce à des gestes simples et en formant de petites capsules de verdures, vous permettez d’établir et parfois de renforcer un corridor biologique.

 

Crapaud commun rentrant dans un passage protégé, Alsace.
Pendant la période de reproduction des batraciens, des aménagements particuliers leur permettent de traverser les routes. Le passage protégé est fabriqué avec des filets et des seaux collecteurs sur le site de Meyenheim D3 bis France.                                                                                                      © Cyril Ruoso / Biosphoto

D’autres exemples de corridors écologiques nécessitent une réorganisation plus conséquente, souvent en compensation d’un aménagement de grande ampleur comme la construction d’une route ou d’une voie de chemin de fer : c’est ce qu’on appelle des écoducs.

Si l’on est attentif sur la route, on peut parfois apercevoir des passerelles traversant les voies. Ces passages à faunes permettent aux espèces animales de circuler entre deux réservoirs de biodiversité. Par exemple, les corridors biologiques qu’empreinte un crapaud sont les fossés, les haies, les massifs forestiers et les mares. Tout est relié pour qu’il puisse y effectuer son cycle de vie. Mais si une route est construite et isole la mare du reste de son habitat, alors il pourra y être rajouté un crapauduc. Ce type de corridor restaure la connexion entre la mare et le reste de l’habitat du crapaud. Ainsi, les nouvelles constructions doivent être conçues en pensant au développement durable et à la biodiversité, y compris ses mobilités.

Comme nous avons pu le voir, les corridors écologiques sont des éléments essentiels dans la conservation de la biodiversité. Les infrastructures naturelles ou aménagées sont nécessaires aux déplacements de la faune et de la flore car ils permettent de relier entre eux les différents habitats vitaux à ces espèces.

 

Sources :

  • Trame Verte et Bleu, Centre de ressource pour la mise en œuvre de la Trame Verte et Bleue, http://trameverteetbleue.fr/presentation-tvb/foire-aux-questions/qu-est-ce-qu-corridor-ecologique
  • Corridor écologique : qu’est-ce que c’est ? Futura Sciences. https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/developpement-durable-corridor-ecologique-6418/
  • Les corridors écologiques font vivre la biodiversité, CAUE56 http://www.caue56.fr/wp-content/uploads/2015/10/Biodiversit%C3%A9.pdf
  • Les corridors écologiques, Ekolien https://www.ekolien.fr/ressources/milieux-naturels/les-corridors-ecologiques-2/
  • Les corridors écologique, Ekolien Curieux par nature (vidéo Youtube) https://www.youtube.com/watch?v=FbNW_34ly4M
  • Concevoir et aménager un jardin naturel et écologique, Promesse de fleur https://www.promessedefleurs.com/conseil-plantes-jardin/ficheconseil/concevoir-et-amenager-un-jardin-naturel-et-ecologique
  • Définition : qu’est ce qu’un corridor écologique ? EcoVegetal https://www.ecovegetal.com/definition-corridor-ecologique/
  • Green spaces and corridors in urban areas, Climate Adapt https://climate-adapt.eea.europa.eu/metadata/adaptation-options/green-spaces-and-corridors-in-urban-areas
  • KERBIRIOU, C., VERGNES, A., CLERGEAU, P. (2013). Ecological corridors also operate in an urban matrix : a test case with garden shrews . In Urban Ecosystem, 15(4). https://www.researchgate.net/publication/234964072_Ecological_corridors_also_operate_in_an_urban_matrix_A_test_case_with_garden_shrews
  • Jardin , corridors écologiques, maillage urbain : Bruxelles donne l’exemple, France Info https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/jardin/jardin-corridors-ecologiques-maillage-urbain-bruxelles-donne-l-exemple_4118741.html
  • Les corridors écologiques, Parc Oise Pays de France https://www.parc-oise-paysdefrance.fr/habitant-ecocitoyen/je-preserve-la-biodiversite/les-corridors-ecologiques/
  • Dictionnaire d’Agroécologie, DicoAgro https://dicoagroecologie.fr/encyclopedie/bande-enherbee/
  • Ile-de-France : une plantation d’un corridor biologique en zone urbaine, Reforest’Action https://www.reforestaction.com/blog/ile-de-france-plantation-dun-corridor-biologique-en-zone-urbaine
  • Bandes enherbées : une pratique encouragée !, AgriCompte CO² https://agri.compteepargneco2.com/reglementation-normes/francaises/bande-enherbee/
Partagez sur les réseaux sociaux :

Donnez votre avis