Le lapin de garenne : menace ou menacé ?

Le Lapin de garenne, aussi connu sous le nom de Lapin commun, Lapin des bois, Lapin européen ou Lapin ordinaire, est le Lapin sauvage que nous connaissons bien en France. C’est d’ailleurs cette espèce qui est la souche de tous les lapins domestiqués que l’on retrouve dans le monde maintenant (y compris les lapins nains). Cette espèce nous paraît donc assez commune. Elle l’est effectivement mais ses populations sont en déclin, et il est même considéré quasi menacée voire en danger par l’UICN ! Parallèlement, il est aussi considéré nuisible et sa chasse est autorisée dans plusieurs régions de France. C’est ce paradoxe que nous allons voir en détail dans cet article.

Lapin de garenne sortant de son terrier
© Simon Booth / Photoshot / Biosphoto

Présentation

Le lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus) est un lagomorphe appartenant à la famille des Léporidés. Le terme « garenne » désigne aussi bien un espace boisé ou herbeux où vivent les lapins qu’un vaste enclos utilisé traditionnellement pour maintenir les lapins en captivité. La taille du lapin de garenne varie entre 32 et 50 cm environ, avec de grandes oreilles remarquables allant de 6 à 9 cm. Son poids varie de 1 à 2,5 kg. Sa fourrure est douce et de couleur gris-beige à gris-brun tirant sur le blanc vers le ventre, avec une tâche rousse sur la nuque. Cette fourrure lui sert d’ailleurs de bon camouflage face à ses prédateurs. Le lapin de garenne est assez facilement reconnaissable, la seule espèce sauvage lui ressemblant particulièrement en France étant le lièvre qui présente une taille bien supérieure.
Le lapin a de très bons yeux : il a une vue excellente de loin et peut voir à 360 degrés, ce qui lui permet de repérer facilement les prédateurs ! Il présente également des vibrisses qui lui permettent de sentir la présence d’obstacles de près.
Cet animal peut vivre en couple ou au sein d’une colonie qui peut atteindre une vingtaine d’individus présentant une hiérarchie précise : les mâles dominants ont notamment la priorité pour s’accoupler avec les femelles, et les femelles dominantes ont le choix du meilleur emplacement pour mettre bas.

Habitat

A l’origine, le lapin de garenne peuplait la péninsule ibérique depuis le Pléistocène moyen. Dû à ses fortes capacités d’adaptation, on le trouve aujourd’hui à l’état sauvage sur tous les continents hormis l’Asie et l’Antarctique. Cette espèce vit à moins de 1400m d’altitude, dans des zones plutôt herbeuses de toutes sortes tant qu’il y a des buissons ou haies pour se cacher. On peut ainsi en retrouver dans des bois, des landes, mais aussi les dunes, les clairières, les champs cultivés, sans oublier des zones urbanisées comme les parcs en villes, les aires d’autoroute, les pelouses et les jardins. Le lapin préfère occuper des sols plutôt sableux, meubles et profonds afin de pouvoir y creuser ses terriers en les reliant par de grandes galeries.

Cycle de vie (reproduction)

Colonie de lapin de garenne
© Bill Coster / FLPA – Frank Lane Picture Agency / Biosphoto

L’expression « chaud lapin » prend tout son sens quand on parle de la reproduction du lapin de garenne : il peut copuler quasiment toute l’année en changeant de partenaire à volonté. Les femelles peuvent ainsi être en chaleur toute l’année sauf en automne, même si la plupart des mises à bas ont lieu entre février et août. Les femelles atteignent leur maturité sexuelle dès 3,5 mois, 4 mois pour les mâles. La gestation dure de 28 à 33 jours, avec en moyenne 3 à 12 lapereaux par portée et 3 à 5 portée par an.

Le lapin a une espérance de vie assez faible, ils peuvent atteindre 9 ans au maximum, mais en moyenne leur longévité ne dépasse pas les deux ans, notamment dû à la forte mortalité infantile. Cette espérance de vie faible est ainsi compensée par la maturité sexuelle précoce et le fort potentiel reproducteur.

Nuisible = Omniprésent ?

Le lapin de garenne est un animal qui peut être considéré nuisible. S’il est présent en populations denses, le lapin peut faire beaucoup de dégâts dans les cultures agricoles, les forêts et les jardins. C’est pourquoi, dans certaines localités en France, la chasse est autorisée pour contenir cette espèce. En effet, depuis l’arrêté du 3 avril 2012, en fonction des particularités locales, le préfet de chaque département peut décider du caractère nuisible du lapin de garenne dans certaines zones, en y autorisant sa chasse. Le lapin de garenne a longtemps été le premier gibier de France. Désormais la pratique est davantage régulée et si l’espèce est toujours chassée, elle l’est de manière variable selon les départements lorsqu’il est présent en plus forte concentration.

Lapin de garenne dans une culture
© Pierre Vernay / Biosphoto

Cependant, sa répartition n’est pas équilibrée sur le territoire français, si certaines régions sont envahies, dans d’autres le lapin de garenne est une espèce au bord de l’extinction. Pour ce fait il est inscrit depuis 2007 à l’UICN afin de surveiller ses populations. Il est classé depuis 2017 en espèce quasi menacée à l’échelle européenne, et en danger d’extinction à l’échelle mondiale.

Pourquoi est-il en déclin ?

Les deux menaces principales à l’origine du déclin des populations de lapin de garennes sont des maladies apparues au XXème siècle :

-La myxomatose est un virus principalement transmis par des insectes. Ce virus a été introduit intentionnellement en France dans les années 1950 pour lutter contre les populations de lapin dans les cultures, étant souvent mortel pour les lapins et les rendant plus vulnérables aux attaques de prédateurs. Des études en 2005 ont estimé que 90% des lapins européens ont disparu à cause de la myxomatose depuis les années 1950.

-La maladie hémorragique du lapin (RHDV) est un virus apparu en Europe à la fin des années 1980 qui a grandement participé au déclin des populations de lapin de garenne. L’individu meurt généralement 24h après l’apparition des symptômes ce qui en fait une maladie très dangereuse pour les populations de lapin. L’incidence de cette maladie pourrait de plus augmenter à cause du réchauffement climatique.

En plus de ces maladies, la perte et la fragmentation de l’habitat sont des causes continues du déclin des populations de lapin de garenne. En effet, de dernier ayant besoin de végétation de broussailles pour se nourrir et loger, l’agriculture intensive moderne a des effets particulièrement négatifs. Là où l’agriculture mixte à petite échelle a pu favoriser la présence de lapins de garenne au-delà de son aire de répartition naturelle, l’élevage intensif contribue à la dégradation de l’habitat du lapin de garenne et à la concurrence pour les ressources. Les populations se retrouvant de plus en plus fragmentés, les populations voisines éprouvent des difficultés à se rencontrer ce qui empêche le renforcement de populations fragilisées.

Les agriculteurs peuvent aussi directement contribuer au déclin de cette espèce, notamment par le piégeage, l’empoisonnement et la destruction des terriers à proximité de cultures. L’utilisation de pesticides peut également affecter les lapins. Enfin, la chasse participe au déclin de cette espèce, en éliminant des lapins qui ont résisté aux maladies, une contre sélection de la résistance à la maladie peut se mettre en place et fragiliser davantage les populations.

Pourquoi et comment conserver le lapin à l’état sauvage ?

Lynx ibérique avec sa proie : un lapin de garenne
© Juan-Carlos Muñoz / Biosphoto

Le lapin de garenne joue un rôle dans la chaîne trophique, notamment pour plusieurs prédateurs dépendants du lapin, dont certaines espèces en danger d’extinction comme le lynx ibérique et des rapaces (aigle impérial en Espagne et aigle de Bonelli en France). D’autres espèces peuvent dépendre de la présence du lapin de garenne comme le lézard ocellé sur littoral méditerranéen qui utilise les terriers de lapin pour vivre. Ainsi, protéger le lapin c’est aussi protéger toutes ces autres espèces. La pression de pâturage que le lapin exerce sur la végétation joue également un rôle clé dans certains écosystèmes (dunes, pelouse) et en la diminuant, cela peut affecter la biodiversité et la dynamique de ces écosystèmes.

Du fait qu’il n’est pas le bienvenu partout, la conservation du lapin de garenne passe nécessairement par la prise en compte de différents points de vue. En effet, le lapin pouvant avoir un impact conséquent sur les cultures, le point de vue des agriculteurs est à prendre en compte quant à sa présence dans un plan de gestion. Ainsi, la discussion est importante entre les parties, faire comprendre l’intérêt de la préservation du lapin et justifier de son impact faible sur les cultures en cas de populations modérées est essentiel pour établir des méthodes de conservation du lapin et améliorer son image auprès des agriculteurs.

Le paradoxe espèce nuisible/espèces en danger n’en est donc pas vraiment un, cette condition dépend de l’état des populations dans les lieux considérés, qui dépend de l’échelle étudiée (département, région, pays …). Concilier ces 2 considérations n’est pas chose facile, les réglementations impactant les espèces en danger et nuisibles étant contradictoire. Il est donc important d’adapter les actions selon les territoires, et de garder une vision d’ensemble afin d’éviter de passer de zones de surpopulations de lapins à zone de quasi extinction, transition qui peut se faire rapidement si des dispositions non contrôlées sont mises en place.

Et concrètement, que faire pour éviter les dégâts du lapin de garenne dans mon jardin ?

En cas de présence de lapins dans votre terrain, il peut être intéressant de mettre en place des méthodes naturelles afin de les dissuader de venir embêter vos plantes, sans participer au déclin des populations. La méthode la plus efficace est assez simple, il suffit d’installer un grillage autour des parcelles à protéger, comme un potager. Une clôture grillagée de 1 m de hauteur enfouis dans la terre à 30 cm de profondeur est suffisante pour empêcher les lapins d’accéder à la parcelle.

Hormis cette solution très mécanique, il existe également des plantes à forte odeur qui permettent de repousser les lapins, comme l’ail, le souci ou l’œillet de poète, n’hésitez donc pas à en cultiver à proximité de vos plantes d’intérêt pour tenir les lapins éloignés ! D’autres solutions plus ponctuelles s’appuyant sur l’odorat des lapins sont possibles, comme de la ficelle imbibée dans de l’huile de foie de morue à entourer autour des cultures à protéger qui saura éloigner de lapin à l’odorat fin ou pulvériser du lait autour des plants de légumes matures (qui se décomposeront en dégageant une forte odeur pour les lapins). Pour repousser les lapins c’est simple, il suffit de profiter de leur bon odorat et les faire fuir avec un jardin qui sent fort !

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